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RAPPORT 1999 REPORTERS SANS FRONTIERES |
SERBIE-MONTENEGRO |
Le verrouillage de l'information aura à
nouveau caractérisé l'année 1998. L'élection
de Slobodan Milosevic au poste de "président yougoslave"
et la montée en puissance du Parti radical (SRS, ultranationaliste,
avec onze ministres du gouvernement, dont celui de l'Information)
se sont traduits par un durcissement de la politique au Kosovo
et une répression ouverte des seules voix discordantes
: les médias indépendants et l'Université.
Depuis le mois de mars 1998 et l'intensification des combats
opposant les forces de Belgrade aux combattants de l'Armée
de libération du Kosovo (UCK), de nombreux journalistes
ont été brutalisés et leur travail entravé
par la police. Ce sont, dans un premier temps, les représentants
de la presse albanaise qui ont le plus souffert de la violence
et de l'arbitraire policiers : au moins six d'entre eux ont été
battus, deux ont été interpellés et un grand
nombre convoqués pour des "entretiens informatifs"
dans les commissariats. De leur côté, les membres
de l'UCK s'en sont pris aux journalistes serbes : deux d'entre
eux ont été détenus pendant quarante jours,
un troisième est porté disparu depuis fin août.
Si fin 1998, les journalistes albanais se disent relativement
protégés par la "pax americana", ce sont
les médias indépendants serbes qui apparaissent
comme les principales victimes des événements de
l'année. En octobre, sous le prétexte des menaces
de frappes aériennes de l'OTAN, trois quotidiens et deux
stations de radio ont été suspendus. Une nouvelle
loi sur l'information, particulièrement liberticide, a
été votée au Parlement. Le plus influent
quotidien indépendant Nasa Borba ne paraît
plus et l'ensemble de la presse indépendante s'autocensure
pour échapper aux sanctions prévues par la nouvelle
loi.
Le seul espace de liberté dans ce paysage médiatique
ravagé reste le Monténégro, où le
nouveau gouvernement de Milo Djukanovic semble beaucoup plus
respectueux de la liberté de la presse. |
Le 21 août 1998, Djuro Slavuj,
journaliste de la station de Radio Pristina (officielle)
et son chauffeur disparaissent alors qu'ils sont en reportage
dans la région de Orahovac (Kosovo) où de nombreux
accrochages entre les forces de police serbes et les rebelles
kosovars sont signalés. Les deux hommes auraient été
aperçus pour la dernière fois sur une route conduisant
à des positions de l'UCK. Il est à craindre qu'ils
aient disparu au moment où ils entraient dans cette partie
du territoire. |
Le 18 octobre 1998, Nebojsa Radosevic
et Vladimir Dobricic, respectivement reporter et photographe
travaillant pour l'agence de presse Tanjug (officielle),
sont portés disparus dans la région de Magura (30
km au sud de Pristina, chef lieu de la province). Les deux journalistes
s'étaient rendus à Magura afin d'enquêter
sur les circonstances de l'attaque, la veille, de deux policiers
par des membres de l'UCK. Le 22 octobre, un représentant
de l'UCK déclare que son organisation détient les
deux journalistes et qu'ils seront prochainement libérés.
Le 1er novembre ils sont "condamnés" à
une peine de deux mois de prison par un "tribunal militaire"
pour avoir enfreint "l'ordre militaire et civil intérieur
établi par l'UCK". Le 27 novembre, à l'issue
de négociations avec des représentants de la communauté
internationale, les deux journalistes sont libérés.
Ils affirment avoir été "bien traités"
et sont en bonne santé.
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>Journalistes interpellés |
Le 29 janvier 1998, Duska Jurisic, journaliste
de la télévision bosniaque, est interpellé
à la frontière macédonienne après
avoir effectué légalement un séjour au Kosovo.
Il est interrogé pendant deux heures avant d'être
relâché. La police serbe saisit ses cassettes vidéo
contenant des images des récentes manifestations d'étudiants
albanais à Pristina.
Le 30 janvier, Vojkan Ristic, correspondant du quotidien
Nasa Borba à Vranje (Sud), est interpellé
et interrogé au sujet d'un livre qu'il s'apprête
à publier sur le ministre serbe Dragan Tomic. Les policiers
lui demandent d'abandonner ce projet.
Le 5 août, Zekë Gecaj, rédacteur du
quotidien de langue albanaise Bujku, est interrogé
pendant plusieurs heures et menacé par la police de Pristina.
Les autorités serbes de la province lui reprochent de
"glisser des appels à la guerre dans ses articles".
Le 19 août, Musa Kurhasku, journaliste du quotidien
de langue albanaise Koha Ditore, est détenu par
la police pendant sept heures après avoir refusé
de se rendre à Orahovac (sud-ouest du pays) pour enquêter
sur la disparition d'un Serbe, vraisemblablement détenu
par l'UCK. Le journaliste est battu, son matériel de travail
et ses documents saisis. Il décide de quitter la région. |
Le 2 mars 1998, Ibrahim Osmani, journaliste
originaire du Kosovo travaillant pour l'Agence France-Presse,
est sévèrement battu et blessé à
coups de crosse par des policiers alors qu'il couvre une manifestation
à Pristina. Après vérification de sa carte
de presse, les policiers l'ont battu alors qu'il tentait de se
réfugier dans l'entrée d'un immeuble avant l'assaut
des forces de l'ordre contre les manifestants. Vetton Surroi,
rédacteur du quotidien de langue albanaise Koha Ditore,
Agron Bajrani, journaliste au même journal, et Sherif
Konjufca, collaborateur de la radiotélévision
de Tirana, sont également brutalisés par
les forces de l'ordre. Le même jour, les forces de police
pénètrent dans les locaux du journal Koha Ditore.
Menacé, le reporter Fatos Berisa saute du deuxième
étage de l'immeuble et se casse une jambe.
Le 19 mars, Michel Rouserez, cameraman de la radiotélévision
belge (RTBF), est battu après avoir filmé
une manifestation d'Albanais à Pristina. Trois hommes
en civil le somment d'abord d'arrêter de filmer et de quitter
les lieux. Ensuite, il reçoit un coup de pied dans le
dos ; il est jeté à terre et roué de coups
jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Sa caméra
est cassée et emportée par les hommes en civil
qui rejoignent des policiers en uniforme.
Le 22 avril, Philip Smucker, journaliste américain
du quotidien Washington Times, indique qu'il a été
frappé par des policiers serbes près du village
de Junik (sud de la province du Kosovo) et que son interprète
albanais a connu le même sort à un poste de contrôle
voisin.
Le 16 juin, Paal Refsdal, cameraman norvégien free-lance,
est blessé lors d'une intervention des gardes-frontières
yougoslaves alors qu'il suit un groupe de séparatistes
qui tente de passer la frontière albanaise pour entrer
au Kosovo. Soigné dans un hôpital de campagne de
l'UCK, il rejoint l'Albanie trois mois plus tard.
Le 22 juin, le véhicule de l'équipe de la chaîne
de télévision danoise TV2 essuie des tirs
de policiers serbes dans la région de Glogovac (Centre).
Les policiers reconnaissent avoir "tiré sous l'emprise
de la panique" et présentent leurs excuses. Les journalistes
se déplaçaient à bord d'une voiture blindée
clairement identifiée comme un véhicule de presse.
Le 18 juillet, trois membres de l'UCK en armes maltraitent le
journaliste russe Sergueï Mitine, envoyé spécial
du quotidien Izvestia de Moscou. Le journaliste, qui se
déplace sur la route de Glogovac-Srbica (centre de la
province) à bord d'un véhicule immatriculé
à Belgrade, est arrêté par une patrouille
de l'UCK. Bien qu'il présente son passeport russe et ses
accréditations, il est accusé d'être "un
espion de la Serbie". Conduit de force dans une maison,
passé à tabac, le journaliste est interrogé
pendant plusieurs heures sous la menace d'un pistolet. Son véhicule
et ses pellicules confisqués, Sergueï Mitine est
abandonné par ses ravisseurs sur la route de Pristina.
Le 21 juillet, Oleg Safiulin et Oleg Galanov, deux
journalistes de télévision russes en reportage
au Kosovo, sont détenus par des membres de l'UCK. Après
plusieurs heures d'interrogatoire, les journalistes sont relâchés
mais leur interprète reste entre les mains des rebelles.
Le 5 octobre, Sulejman Klokoqi, cameraman pour l'agence
américaine APTN, est battu par des policiers après
avoir été convoqué au commissariat de Pristina.
Le journaliste est giflé à plusieurs reprises puis
frappé à coups de matraque. Après lui avoir
interdit de quitter la ville, les policiers lui conseillent de
"travailler de façon plus professionnelle".
Les policiers reprochent à Sulejman Klokoqi d'avoir pris
des images à Gornije Obrinije (centre du Kosovo) où
une vingtaine de civils auraient été tués
la semaine précédente par les forces serbes. |
Le 9 mars 1998, le procureur général
de Belgrade affirme avoir pris des "mesures appropriées"
à l'encontre des rédacteurs en chef des quotidiens
Blic, Nasa Borba, Danas, Dnevni Telegraf, Demokratija
et "certaines chaînes de télévision"
qui, selon lui, encourageraient "les actions des bandes
de terroristes" et donneraient "une fausse image des
actions de la police serbe au Kosovo".
Le 10 mars, le rédacteur en chef du quotidien Dnevni
Telegraf, Slavko Curuvija et le rédacteur du
quotidien Nasa Borba, Ivan Mrdjen, sont convoqués
à la police afin d'expliquer l'attitude de leurs journaux
face aux événements du Kosovo.
Fin avril, selon le quotidien britannique Daily Telegraph,
des policiers des postes de contrôle de Decani (zone frontalière
avec l'Albanie) avertissent les journalistes qu'ils pourraient
"devenir des cibles" si des sanctions économiques
étaient imposées à la Serbie.
Le 7 octobre, suite à un reportage sur le massacre commis
à Gornije Dobrinije (centre du Kosovo), le journaliste
de l'hebdomadaire indépendant de Belgrade Vreme,
Dejan Anastasijevic, est menacé par des officiers
de police. |
Le 31 mars 1998, des inspecteurs du ministère des Télécommunications,
accompagnés de policiers, saisissent l'émetteur
de la chaîne de télévision Feman,
à Jagodina (centre de la Serbie). Cette décision
intervient quelques jours après qu'une demande d'attribution
de fréquence a été déposée
auprès de ce ministère par la direction de la chaîne.
Aucun motif officiel n'a été donné pour
justifier la saisie de cet émetteur.
Fin mai, lors de la procédure annuelle d'attribution ou
de renouvellement des fréquences d'émission des
médias électroniques, 179 médias sur 426
se voient refuser une licence. Seulement trois médias,
la radio B92 et deux chaînes de télévision
régionales, sur les cinquante candidats membres de l'Association
des médias électroniques indépendants (ANEM)
obtiennent le droit d'émettre sur le territoire de la
RFY. Les autorités yougoslaves imposent également
une redevance prohibitive pour l'utilisation des fréquences
: B92 devra verser la somme de 11 000 dollars (60 500
francs) pour continuer à émettre, soixante fois
plus que l'année précédente.
Le 2 juin, Predrag Milosavljevic, reporter-photographe
du quotidien Dnevni Telegraf, et Milos Petrovic,
cameraman travaillant pour la chaîne de télévision
Studio B, se font saisir leurs films par la police lors
d'une manifestation estudiantine à Belgrade. Les deux
journalistes auraient pris des clichés des affrontements
entre les forces de l'ordre et les étudiants.
Le 30 juin, de nombreux exemplaires du quotidien progouvernemental
Politika de Belgrade sont saisis par la police du Monténégro.
L'édition contient un article intitulé "Le
pouvoir monténégrin héberge des mafieux,
la police protège des trafiquants et Djukanovic est soupçonné
de blanchiment d'argent". Milo Djukanovic, actuel président
du Monténégro, est en conflit avec les autorités
de Belgrade.
Le 1er juillet, la station de radio Kontakt de Pristina
est fermée par des policiers en uniforme et des agents
du ministère des Télécommunication saisissent
une partie de son équipement. Cette station, animée
par des journalistes serbes et albanais, retransmettait également
les programmes de la BBC World service, Voice of America,
et la radio B92 de Belgrade.
Le 2 septembre, le directeur général de la Radiotélévision
de Serbie (RTS), Dragoljub Milanovic, demande aux
responsables de la radio universitaire Indeks de cesser
d'émettre dans un délai d'un mois depuis le relais
de la RTS situé à Belgrade. Selon les termes
du contrat signé avec la chaîne publique en 1992,
Indeks peut utiliser ce relais jusqu'à ce qu'elle
obtienne sa propre fréquence. Sa demande d'attribution
de fréquence auprès du ministère fédéral
des Télécommunications est restée sans réponse.
Le 10 octobre, des inspecteurs du ministère fédéral
des Télécommunications accompagnés de policiers
saisissent l'équipement de la radio, l'empêchant
de diffuser ses programmes. Les photographes présents
lors de l'opération sont obligés de remettre leurs
pellicules aux policiers. Deux jours auparavant, le personnel
de la radio a été contraint par les autorités
de déménager des locaux qui lui sont attribués
dans le bâtiment de Radio Belgrade (officielle).
Fin octobre, le procureur adjoint de Belgrade décide de
poursuivre Nenad Cekic, directeur et rédacteur
en chef de la radio Indeks, pour "possession et utilisation
illégale d'une station de radio". S'il est reconnu
coupable, le journaliste est passible de huit ans de prison.
Le 9 octobre, la radio indépendante de la minorité
hongroise de Vojvodine (nord du pays) Senta est interdite
par le ministère fédéral des Télécommunications.
Ses équipements sont saisis par les autorités.
Le 14 octobre, les quotidiens indépendants Danas
et Dnevni Telegraf sont interdits de parution et leurs
locaux placés sous scellés par la police. Les deux
quotidiens ont recu, le 12 octobre, une lettre du ministre de
l'Information, Aleksandar Vucic, les accusant de "susciter
la peur, la panique et le défaitisme". Danas a
reproduit récemment des articles des quotidiens The
Washington Post et Die Welt, alors que Dnevni Telegraf
a fait sa une sur un possible bombardement de l'OTAN. Malgré
l'interdiction formelle du ministère, les rédactions
de Danas et Dnevni Telegraf ont publié cette
lettre. Le 15 octobre, le quotidien Nasa Borba est également
interdit de publication sur ordre du ministère serbe de
l'Information. Le journal avait récemment ouvert ses colonnes
à un comité serbe de défense des droits
de l'homme et rendu public "l'avertissement" du ministre
A. Vucic.
Mi-octobre, le tribunal local de Novi Sad ordonne l'ouverture
d'une enquête à l'encontre du directeur général
de Radio 021 (membre de l'ANEM) pour "possession
et utilisation illégale" d'une station de radio.
Le 20 octobre, le Parlement de Serbie adopte à l'initiative
du Parti radical (SRS, ultranationaliste) une nouvelle loi sur
l'information dont un certain nombre de dispositions entravent
fortement la liberté de la presse. Des peines allant d'une
amende à une interdiction et à une saisie sont
prévues à l'égard des médias qui
diffusent des informations portant atteinte à "l'ordre
constitutionnel" et à "l'intégrité
territoriale de la Serbie et la Yougoslavie". Plus généralement,
par la formulation de certains articles (les articles 4, 11,
29 et 69 notamment), la nouvelle loi tend à introduire
une "forte présomption de culpabilité chez
les journalistes et vise à renforcer le contrôle
de l'Etat sur le contenu des médias", selon les juristes
de l'Association des médias électroniques indépendants
de Belgrade (ANEM). Les affaires qui suivent on été,
pour la plupart, intentées en vertu de l'application de
cette loi.
Le 23 octobre, Slavko Curuvija, fondateur du magazine Evropljanin
(L'Européen) et rédacteur en chef du quotidien
Dnevni Telegraf, est convoqué au tribunal municipal
pour "présenter la preuve" que les faits exposés
dans plusieurs articles du dernier numéro de Evropljanin
sont "vrais". Une plainte a été déposée
contre lui et la société DT Press par l'Alliance
patriotique de Belgrade. Selon cette organisation, un certain
nombre de textes d'Evropljanin appelleraient au renversement
du pouvoir par la force en RFY. Le 22 octobre, le magazine avait
notamment publié une lettre ouverte à Slobodan
Milosevic pour protester contre l'adoption de la loi sur l'information.
Le 24 octobre, Slavko Curuvija, Dragan Bujosevic, rédacteur
en chef de Evropljanin et Ivan Tadic, directeur
de la publication, sont condamnés en vertu de cette nouvelle
loi à une amende de 2,4 millions de dinars (1,4 million
de francs, 250 000 dollars) pour avoir "diffusé des
informations portant atteinte à l'ordre constitutionnel
et à l'intégrité territoriale de la Serbie
et de la Yougoslavie" (article 67). L'amende doit être
payée dans les vingt-quatre heures. Slavko Curuvija ayant
refusé de payer, la police procède à l'inventaire
et à la saisie des biens du quotidien Dnevni Telegraf,
dont M. Curuvija est également le propriétaire.
Le 26 octobre, des exemplaires de Dnevni Telegraf sont
saisis à l'imprimerie et le journal empêché
de paraître. Les passeports de Slavko Curuvija, Dragan
Bujosevic et Ivan Tadic sont saisis. Un tiers de leur salaire
est saisi par l'huissier jusqu'à ce qu'ils s'acquittent
de leur amende. Le mois suivant, la police financière
saisit à trois reprises les exemplaires de Dnevni Telegraf
à l'imprimerie afin de les revendre à une entreprise
de recyclage de papier. Le 10 novembre, Slavko Curuvija demande
au gouvernement d'autoriser la parution de Dnevni Telegraf,
et promet de s'acquitter de l'amende "dans un délai
raisonnable".
Le 27 octobre, Momcilo Djorgovic, rédacteur en
chef du quotidien indépendant NT Plus, décide
de suspendre la parution de son journal après avoir reçu
des appels téléphoniques anonymes le menaçant
de poursuites en justice.
Le 30 octobre, le ministère fédéral des
Télécommunications interdit à la radio B92
de retransmettre un programme quotidien de radio Indeks, suspendue
depuis le mois d'octobre. Le rédacteur en chef de B92,
Veran Matic, déclare qu'il continuera de diffuser
durant une heure par jour le programme de la radio interdite
mais avec une autre bande d'annonce.
Début novembre, le quotidien progouvernemental Politika
est condamné à payer une amende de 150 000 dinars
(87 000 francs, 15 800 dollars), pour avoir publié un
texte jugé diffamant pour Zoran Djindjic, dirigeant du
Parti démocratique (PD, opposition) et ancien maire de
Belgrade. Politika est le premier journal progouvernemental
à être sanctionné en vertu de la nouvelle
loi sur l'information. La direction du PD annonce qu'elle portera
"150 plaintes par jour" à l'encontre des médias
officiels afin de démontrer l'iniquité de la nouvelle
loi sur l'information. La plupart sont rejetées par les
tribunaux.
Le 4 novembre, le camion transportant des exemplaires du quotidien
Danas, imprimé au Monténégro, est
arrêté par la police à Prijepolje, à
la "frontière" avec la Serbie.
Le 8 novembre, le quotidien Dnevni Telegraf et son rédacteur
en chef, Dragan Novakovic, sont condamnés à
une amende de 1,2 million de dinars (700 000 francs, 127 000
dollars) pour avoir "diffusé des informations portant
atteinte à l'ordre constitutionnel et à l'intégrité
territoriale de la Serbie et de la Yougoslavie" (article
67 de la nouvelle loi sur l'information). L'amende doit être
payée dans les vingt-quatre heures. Le 7 novembre, une
plainte a été déposée contre le journal
par l'association "Alliance des femmes de Yougoslavie"
accusant le quotidien d'avoir publié une annonce publicitaire
de l'organisation estudiantine "Otpor" (Résistance),
représentant un poing fermé et appelant à
la résistance contre le régime.
Le 18 novembre, l'hebdomadaire indépendant Monitor
de Podgorica est condamné lui aussi à une amende
de 1,2 million de dinars (700 000 francs, 127 000 dollars) pour
avoir publié des "informations appelant au renversement
par la force de l'ordre constitutionnel". L'hebdomadaire
a fait figurer dans sa dernière édition le poing
fermé d'Otpor. Le même mois, les exemplaires de
Monitor destinés à la Serbie sont saisis
à trois reprises par la police. L'hebdomadaire est de
facto interdit sur le territoire de la Serbie et n'est pas
diffusé régulièrement dans certaines municipalités
du Monténégro fidèles aux autorités
de Belgrade.
Le 21 novembre, le tribunal municipal de Belgrade condamne le
quotidien indépendant Glas javnosti à une
amende de 380 000 dinars (220 000 francs, 38 000 dollars) suite
à une plainte déposée par le président
du Parti radical serbe (SRS) Vojislav Seselj. Ce dernier a poursuivi
le rédacteur en chef du quotidien, Manojlo Vukotic,
et son directeur, Vojislav Bacevic, après la publication
dans l'édition du 19 novembre d'un article l'accusant
de "comportement dictatorial".
Le 16 décembre, le ministre de l'Information serbe, Aleksandar
Vucic, adresse une lettre à plusieurs journaux de langue
albanaise à Pristina (chef lieu du Kosovo), les menaçant
de poursuites judiciaires. Ces menaces visent notamment les quotidiens
Bujku, Koha Ditore et Zeri i Dites et les hebdomadaires
Koha et Fjala e Jone. Selon le ministre, ces journaux
encourageraient "le terrorisme" et appelleraient à
la "haine" et au "renversement de l'ordre constitutionnel
de la Yougoslavie". A partir du 18 décembre, le quotidien
Bujku ne paraît plus. L'imprimerie Gracanica, appartenant
à l'Etat, aurait reçu l'ordre de ne plus imprimer
le journal.
Depuis l'intensification des opérations armées
au Kosovo, en mars 1998, la presse internationale est dans le
collimateur des autorités de Belgrade. De hauts responsables
yougoslaves accusent les médias occidentaux d'avoir déformé
la réalité du conflit et pris position en faveur
des séparatistes kosovars. Ainsi le 30 mars, Goran Matic,
ministre fédéral de l'Information, déclare
dans une interview à l'agence officielle Tanjug
que "les médias mondiaux, dont CNN, la BBC,
Deutsche Welle et d'autres, ont commis un massacre contre
la vérité au Kosovo". Des journalistes sont
privés de visas, d'autres sont expulsés suite à
leurs reportages. L'accès des zones de combat reste strictement
contrôlé par les forces de police serbes. Les combattants
de l'UCK, plutôt ouverts à la presse étrangère,
s'en prennent violemment aux journalistes russes qu'ils considèrent
comme des "espions de la Serbie" (voir infra).
Le 14 août, Friedhelm Brebeck, Armin Eberhard
Wunsche et Stefan Irran de la chaîne de télévision
allemande ARD, sont expulsés du Kosovo. Les journalistes
sont officiellement accusés par les autorités d'avoir
mis en scène l'incendie d'une maison à Junik pour
les besoins du tournage. Friedhelm Brebeck rejette catégoriquement
ces accusations. Pour le ministère allemand des Affaires
étrangères, qui a officiellemnt protesté
contre cette expulsion, il s'agit "d'une ingérence
totalement injustifiée dans le travail de la presse (...)
Cette expulsion s'inscrit dans toute une série d'entraves
faites au travail des correspondants allemands en Yougoslavie,
en particulier au Kosovo".
Le 5 août, le ministre fédéral de l'Information,
Goran Matic, qualifie de "mensonges délirants et
éhontés" les informations divulguées
par Eric Rathfelder, correspondant du quotidien allemand
Die Tageszeitung et du quotidien autrichien Die Presse,
selon lesquelles plus de 500 civils seraient enterrés
dans des charniers, à Orahovac. Selon des informations
de la police serbe corroborées par des sources diplomatiques
européennes et d'autres journalistes, les combats à
Orahovac n'auraient fait qu'une soixantaine de morts. Le 6 août,
faisant face aux protestations des autorités yougoslaves,
le quotidien Die Presse confirme ses informations sur
l'existence d'un charnier et dénonce l'opacité
de l'information dans la région. Le 11 août, Eric
Rathfelder est déclaré "persona non grata"
et expulsé du pays. Il est également accusé
d'être entré sur le territoire yougoslave "en
tant que touriste", information démentie par le rédacteur
en chef du Tageszeitung, Michael Rediske, qui affirme
que Eric Rathfelder était accrédité auprès
du ministère fédéral de l'Information.
A partir du mois de septembre, le pays étant sous la menace
des frappes aériennes de l'OTAN, la campagne à
l'encontre de certains médias étrangers s'intensifie.
Le 1er octobre, lors d'une conférence de presse, le vice-Premier
ministre Vojislav Seselj exhorte les correspondants étrangers
travaillant pour les stations de radio Voice of America,
BBC, Deutsche Welle, Free Europe et RFI
à quitter le pays et menace de représailles leurs
collaborateurs yougoslaves. Il ajoute que ces derniers ne seront
pas protégés par la convention de Genève.
Ces menaces sont reprises par le ministre serbe de l'Information,
Aleksander Vucic, et l'ensemble des médias proches du
gouvernement, notamment le quotidien Politika et la Radiotélévision
de Serbie (RTS). Le 6 octobre, les médias électroniques
serbes qui retransmettent des émissions étrangères
sont menacés de fermeture : "Nous n'allons certainement
pas permettre la retransmission de déclarations qui font
partie de la guerre spéciale menée par l'Occident
contre la Yougoslavie" déclare Vojislav Seselj devant
le Parlement.
Début octobre, à la suite de menaces de la part
du ministère serbe de l'Information, la chaîne de
télévision du sud de la Serbie TV Kursumlija
doit arrêter de retransmettre les programmes de Voice
of America.
Le 8 octobre, le gouvernement publie un décret sur les
"mesures exceptionnelles en raison des menaces d'attaques
armées de l'OTAN", dont l'article 8 interdit aux
médias locaux "de retransmettre les programmes de
médias étrangers qui agissent contre les intérêts
de notre pays, suscitent la peur, la panique et le défaitisme
ou agissent négativement sur les capacités des
citoyens à défendre l'intégrité de
la Serbie et de la Yougoslavie".
Le 20 octobre, le Parlement de Serbie adopte une nouvelle loi
sur l'information qui reprend un certain nombre de dispositions
contenues dans ce décret. Selon son article 27, la diffusion
de programmes "politiques et propagandistes" des médias
étrangers est désormais interdite. Les médias
serbes "ne sont pas autorisés à reproduire
partiellement, intégralement, ou en différé,
les programmes politiques et propagandistes réalisés
par des radios et des télévisions contrôlées
par des gouvernements étrangers ou des organisations non
lucratives". Cette interdiction concerne notamment les médias
Voice of America, BBC, Radio Free Europe, Deutsche Welle et
Radio France Internationale dont les émissions
en serbe étaient régulièrement retransmises
par des radios privées. Les contrevenants sont passibles
d'amendes allant de 50.000 dinars à 800.000 dinars (29
050 à 465 000 francs, 5200 à 85 000 dollars).
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