AU COURRIER DU "MONDE"

Mercredi 8 juillet 1998

Sans-papiers

Jean-Pierre Chevènement

J'ai lu avec surprise l'éditorial du Monde du 7 juillet, dans lequel vous imputez à Lionel Jospin la volonté, à travers le dossier dit des « sans-papiers », d' « adresser un message en direction de la frange, croissante, de la population française sensible aux propos anti-immigrés et sécuritaires du Front national ». Vous savez pertinemment que le plan du gouvernement, cent fois expliqué, a toujours été, au contraire, d'assurer l'intégration des étrangers régulièrement présents sur notre sol et de soustraire l'immigré à un débat politicien entre la gauche et la droite, au seul bénéfice de l'extrême droite.

Dans votre numéro du 2 juillet, vous publiez vous-mêmes (page 14) un sondage d'où il résulte que seulement 27 % des Français se prononceraient pour la régularisation d'un nombre de demandeurs de papiers égal ou supérieur à 40.000. En d'autres termes, au moins 73 % des Français considéreraient que le nombre actuel, proche de 80.000, est excessif. Ces 73 % de Français sont-ils tous des adeptes du Front national ? Ce n'est évidemment pas le cas, mais c'est ce qui semble résulter de vos analyses.

Ne croyez-vous pas, au contraire, que ce sont ces analyses biaisées, développées à partir d'une idéologie ignorant, au nom d'un antiracisme abstrait, les réalités sociales, qui font le jeu du Front national ? Une grande majorité de nos concitoyens comprend que l'admission au séjour doit être proportionnée à la capacité d'intégration du pays. Ils ne sont pas racistes pour autant.