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A droits égaux, devoirs identiques - au niveau de la ville: il n'est pas absurde de modifier la Constitution sur ce point.

Pour le droit de vote des étrangers

Par GILLES DE ROBIEN
Gilles de Robien est député-maire UDF d'Amiens (Somme).

Le mardi 30 novembre 1999

Ce droit, la Suède l'a accordé en 1975, la Norvège en 1978, le Danemark, la Grande-Bretagne et la Finlande en 1981 et les Pays-Bas en 1985. L'intégration est la légitime préoccupation d'une France quelque peu désemparée de ne plus voir fonctionner aussi bien que par le passé, le mode d'assimilation des étrangers vivant sur son sol. En 1931, la population française comptait 6,6 % d'étrangers. En 1990, la proportion était à peine supérieure: 7,4%. Pourtant, le creuset national s'est bel et bien fissuré.

Un communautarisme, jusque-là propre aux Anglo-Saxons, s'ébauche aux dépens d'un processus original qui, des siècles durant, a renouvelé en les dynamisant notre mode de vie et notre culture.

Plus que l'origine socioculturelle des migrants arrivés en France en provenance des pays de l'ex-empire colonial, les brutales périodes de récession ont sans doute modifié la donne et amoindri les capacités d'accueil de toute une partie de la population.

Peut-être aussi, les gouvernements, sous la pression de l'industrie et dans l'euphorie des Trente Glorieuses, n'avaient-ils pas suffisamment encadré les flux migratoires et avaient-ils agi sans appréhender le phénomène dans sa globalité et sur le long terme. Les erreurs du passé ne nous interdisent toutefois pas de penser à l'avenir.

Le déracinement, la démission de certains parents, la désillusion face au pays rêvé ont profondément atteint deux générations de migrants.

Comment leur reprocher?

Souvent cantonnés à la périphérie de la ville, regroupés dans ce qui, de fait, constituent des ghettos, des banlieues, l'immigré alterne au fil des jours, transports - souvent trop longs - et travail... parfois, sans implication aucune dans la vie de la cité. Métro, boulot et... impôts! En effet, comment omettre d'évoquer la part qui est celle des salariés étrangers dans les rentrées fiscales de toute nature et dans le financement des régimes de protection sociale? Ils contribuent depuis de nombreuses années à la réalisation des infrastructures de notre pays, de la ville et ne peuvent, pour le moment, participer à la vie démocratique comme les citoyens français ou les Européens.

Peut-on être citadin sans être citoyen? Peut-on être légalement président d'association et ne pas pouvoir donner son avis sur les débats de la première association locale : la commune? Partant de là, permettre aux étrangers non-européens (1) titulaires d'une carte de résident depuis au moins cinq ans, de participer à la vie de la cité par l'expression d'un vote aux élections municipales, ne me semble pas aberrant. La Suède l'autorise depuis 1975, la Norvège depuis 1978, le Jura suisse depuis 1979, le Danemark, la Grande-Bretagne et la Finlande depuis 1981 et les Pays-Bas depuis 1985.

L'expérience de ces Etats a montré que la concession du pouvoir d'influer sur la vie locale était de nature à donner plus de légitimité aux pouvoirs publics pour exiger un plus grand respect des devoirs incombant à l'étranger résidant en France. Ce faisant, au niveau de la ville tout au moins, les choses seraient claires : à droits égaux, devoirs identiques.

Il n'est pas absurde de modifier la Constitution sur ce point-là. Cette révision aurait le mérite de clore le chapitre des commissions extra-municipales des étrangers, symboles en trompe l'œil d'une démocratie à deux vitesses.

Faut-il alors permettre à un étranger d'être élu maire ou conseiller municipal? Le débat reste ouvert. Des accords de réciprocité avec le pays d'origine peuvent être étudiés. Un nombre d'années de résidence suffisant pourrait être défini pour être autorisé à se présenter. La légitimation du suffrage universel ferait le reste.

Quand on n'est plus de là-bas et pas tout à fait d'ici, on sera dorénavant parisien, lillois, amiénois. Une première étape vers l'intégration.

Raisonnement simpliste m'objectera-t-on. Peut-être, mais guidé par une inébranlable foi en la démocratie, qui, jamais trop, ne s'exerce.

(1) Les étrangers originaires d'un pays de l'UE ont déjà la possibilité de participer aux prochaines élections municipales de 2001.

 

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