Quelles conditions pour relancer la lutte et obtenir la régularisation de tous les sans-papiers ?

par Madjiguène Cissé [pajol]


21 mai 1999

LES 27 et 28 mars derniers, nous organisions à Paris les 1ères manifestation et réunion européennes pour la régularisation de tous les sans-papiers et l'égalité des droits. La lutte des sans-papiers commencée le 18 mars 1996 à Paris a atteint aujourd'hui une dimension européenne.

Nous la continuons, car comment pourrions-nous tourner la page ? Les mesures prises par le gouvernement de Lionel Jospin, n'ont en effet rien résolu. Au contraire, elles ont aggravé l'arbitraire et renforcé la précarisation des étrangers. Une grande partie des sans-papiers est toujours dans la même situation, des milliers ont été fichés par la police et la « régularisation » s'est réduite en général à l'attribution de cartes temporaires.

C'est grâce à la mobilisation et à la lutte que ces cartes temporaires ont été attribuées dans le cadre de la circulaire Chevènement. Mais aujourd'hui, les conditions d'obtention des papiers et de leur renouvellement se sont considérablement durcies. Cette répression est la conséquence directe de la nouvelle loi, mais c'est aussi parce que notre mouvement a subi durant tout ce temps des attaques incessantes. Les modalités d'application de la circulaire et de la loi Chevènement ont largement contribué à affaiblir notre mouvement. L'une et l'autre ont voulu imposer à la lutte la gestion du cas par cas, pour diviser, corrompre et ainsi faire mourir le mouvement.

Comme dans toute lutte, des divergences ont pu apparaître à un moment ou un autre sur des analyses politiques ou sur la stratégie à suivre selon les étapes. Nous avons cependant, malgré parfois d'énormes difficultés, continué à nous réunir, à débattre, lutter ensemble, et ainsi réussi à sauver l'essentiel et arracher, même si elles ne sont que précaires des « régularisations » que nous considérons comme le fruit de nos efforts communs.

A Saint-Bernard comme dans les autres collectifs, nous avons dû faire face, dès le début, à toutes sortes de tentatives de division, de man¦uvres et de provocations tendant à jeter le discrédit ou casser notre mouvement.

Les sans-papiers de Saint-Bernard se sont toujours distingués par leur courage, leur détermination, et le refus de se laisser diviser. L'image que nous nous sommes tant évertués à donner au cours de notre lutte ne peut être ternie par des individus qui se sont fait remarquer par des actes odieux et répréhensibles. L'agression de Mikael sur la personne d'Aminata, alors même que des discussions étaient en cours rue Jean-Pierre Timbaud, pour trouver une solution pour les anciens occupants de l'église de la Roquette, doit être condamnée avec une extrême vigueur. Ces actes et cette agression ne devaient rien au hasard. Un tel individu ne saurait être réhabilité au niveau de Saint-Bernard. Nous ne pouvons cautionner des actes de vandalisme. Il est nécessaire que chacun prenne ses responsabilités, maintenant. A ce titre le communiqué en date du 17 mai et signé « les sans-papiers de Saint-Bernard » est en deça des attentes des acteurs et témoins de notre lutte.

C'est de notre devoir, dans notre collectif, mais aussi dans tous les autres de barrer la route à tous ceux qui, à Saint-Bernard ou ailleurs, jouent un rôle de diversion, de frein interne pour empêcher notre mouvement de reprendre son élan, à un moment si décisif.

Les souvenirs peuvent par moment être douloureux. Mais nous sommes obligés de nous faire violence dans l'intérêt des sans-papiers.

Les acteurs de Saint-Bernard sont toujours présents. Nous continuerons à nous mobiliser auprès de tous les autres sans-papiers, tant les causes qui nous avaient fait sortir de l'ombre sont toujours là. Nous veillerons à ce que notre collectif ne soit pas discrédité, ni isolé.

Des efforts ont été faits dans ce sens par les collectifs, par le secrétariat national. Continuons dans cette voie. Il nous faut coûte que coûte retrouver cette unité qui seule nous permettra de débusquer et neutraliser les perturbateurs et ceux qui cherchent à nous diviser et servent ainsi le gouvernement. Ce sont là les conditions pour atteindre notre objectif commun :

Madjiguène Cissé
Paris le 21 mai 1999.