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Date: Wed, 20 Nov 1996 13:59:38 +0200
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Subject: appel du college des mediateurs

rendu public lundi 18 aux assises du college des mediateurs
Pour circulation et signature
A renvoyer au Secretariat du College des mediateurs
14 rue d'Assas 75006 Paris

incessamment sous peu sur le serveur

Isabelle

Isabelle Saint-Saens -+- iss@inrets.fr -+- Inrets, France

Le 18 novembre 1996
APPEL AUX CITOYENS D'EUROPE

Le probleme de l'immigration est devenu, depuis vingt ans, un
enjeu politique majeur dans les divers pays d'Europe occidentale
et un defi pour les regimes democratiques.

Sa juste solution, trop longtemps retardee par des politiques a
courte vue, est desormais une priorite civique, face a une opinion
desorientee et livree aux tentations demagogiques.

Tous les citoyens d'Europe -aux premiers rangs, tous ceux qui sont
en charge d'une responsabilite publique, ou investis d'une autorite
morale a quelque titre que ce soit- doivent unir leurs efforts pour
ouvrir la voie a une politique nouvelle tournee vers l'avenir.

Il s'agit, en prealable, de faire prendre conscience a tous de
l'impasse ou conduisent les politiques restrictives et repressives
qui se sont peu a peu generalisees. De telles politiques, a la
fois injustes et inefficaces, n'ont aucun effet durable et
aggravent a terme les difficultes qu'elles pretendent maîtriser.

L'Europe n'est pas une citadelle assiegee qui n'aurait d'autre
possibilite que de s'enfermer dans ses frontieres comme derriere
d'illusoires remparts.

Tout au contraire, un tel enfermement est incompatible avec la
vocation universaliste de l'Europe, dans sa meilleure tradition,
ainsi d'ailleurs qu'avec son interet de premiere puissance
exportatrice mondiale.

L'honneur et le realisme commandent une tout autre approche,
qui doit se traduire en resolutions concretes.

Trois actions s'imposent d'urgence.

- La premiere concerne la situation des "sans papiers".

L'application toujours plus rigoureuse des politiques restrictives
a eu pour effet d'accroître considerablement le nombre de personnes
et de familles migrantes privees de toute existence legale et
reduites a vivre dans l'angoisse permanente du lendemain.

Sans attendre les modifications legislatives qui peuvent prendre
du temps, il est indispensable de mettre fin sans plus tarder a
des situations inhumaines, inacceptables dans un veritable Etat
de droit.

Un moratoire des expulsions, la definition de criteres de
regularisations fondes sur l'equite, le recours a la mediation
dans les cas les plus litigieux, sont les mesures transitoires
les plus appropriees.

- La deuxieme urgence est relative au droit d'asile.

La encore le climat de mefiance systematique a l'egard de certains
etrangers a conduit a des consequences inadmissibles.

L'asile doit etre accorde a tous ceux qui doivent fuir leur pays
devant la persecution qui les menace, que cette menace provienne
de l'Etat lui-meme ou qu'elle soit le resultat de sa carence.
Plus largement, l'asile humanitaire doit etre etendu, au-dela
d'une definition pointilleuse de la persecution, aux cas
d'extreme detresse.

Dans tous les cas, les risques encourus par les demandeurs d'asile
doivent etre apprecies avec realisme et humanite, sans exces de
juridisme soupconneux et en tenant compte des difficultes de preuve
inherentes a de telles situations.

- La troisieme action prioritaire, qui est aussi la plus decisive,
doit porter sur le fondement des politiques europeennes en matiere
de migrations et de developpement.

C'est en premier lieu la conception meme de la legislation
applicable aux migrations qui doit etre totalement remise en cause,
et non seulement tel ou tel de ses effets.

L'esprit des textes actuels est reste largement discretionnaire,
faisant primer les obligations administratives toujours plus
contraignantes et tracassieres sur des droits toujours plus
reduits et contestes.

C'est cette primaute qu'il y a lieu d'inverser radicalement.

D'ou qu'il vienne et ou qu'il soit, tout homme a des droits
fondamentaux que tout Etat de droit se doit de respecter et
de proteger.

La liberte d'aller et venir, celle de pouvoir trouver des
moyens convenables d'existence, celle de pouvoir mener une vie
personnelle et familiale normale, sont au premier rang de
ces droits.

Les restrictions qui peuvent y etre apportees ne sauraient etre
discriminatoires ou arbitraires et doivent se limiter a celles
qu'imposent a tous les necessites d'une societe democratique.

C'est dans cet esprit que peut et doit etre recherchee la juste
conciliation entre les droits des migrants et ceux des nationaux
des pays d'accueil.

Il est en effet essentiel de ne pas dissocier la lutte pour les
droits legitimes des migrants de l'action globale pour la
protection et la promotion des droits de tous dans les domaines
ou ces droits sont principalement en question.

Il s'agit notamment :

- dans le domaine social, de la lutte contre l'accroissement
dramatique de l'exclusion ;
- dans le domaine economique, de la lutte contre les diverses
formes de travail illegal et la precarisation des emplois ;
- dans le domaine culturel, de la defense d'une conception
ouverte et democratique de la culture qui s'oppose a la ghettoïsation
et aux integrismes, et qui assure le respect des droits de la femme
et de l'enfant.


Il s'agit encore d'assurer l'effectivite des droits des migrants
par les garanties et recours appropries, a savoir :

- le droit a une motivation claire des decisions qui les concernent ;
- le droit a un recours devant une juridiction impartiale et independante
statuant dans un delai raisonnable ;
- le droit a l'aide juridique dans des conditions permettant une veritable
defense.

En ce qui concerne le developpement, Il s'agit de donner
l'impulsion necessaire aux nouvelles formes de solidarite entre
societes civiles du Nord et du Sud, particulierement en assurant
une mobilite accrue entre les communautes urbaines et rurales des
pays d'emigration et les associations d'emigres dans les pays
d'accueil.


Citoyens d'Europe !

A l'heure de la mondialisation, la tentation du repli egoïste ne
peut conduire qu'a l'isolement et au declin.

C'est en se montrant exemplaire, tant dans la protection et la
promotion des droits de l'homme pour tous ceux qui vivent sur son sol,
que dans la recherche d'un veritable codeveloppement entre les divers
continents, que l'Europe assurera son meilleur avenir.

Il revient a tous ceux qui croient en l'homme de relever lucidement
et genereusement le defi !

Cet appel a ete redige a l'initiative des vingt-six membres* du
"College des mediateurs" cree en avril 1996 au soutien du mouvement
des "sans-papiers".

Il a ete rendu public le 18 novembre 1996 lors des "Assises pour
une nouvelle politique des migrations" tenues au Palais du Luxembourg.

Il est soumis a la signature de tous ceux et toutes celles qui
desirent en soutenir les orientations.


*
Lucie Aubrac Paul Kessler
Raymond Aubrac Camille Lacoste-Dujardin
Jean-Michel Belorgey Pierre Lyon-Caen
Jean-Francois Berjonneau Henri Madelin
Andre Berroir Edgar Morin
Paul Bouchet Paul Ricoeur
Bernard Brunhes Antoine Sanguinetti
Monique Chemillier-Gendreau Laurent Schwartz
Noël Copin Louis Schweitzer
Jacqueline Costa-Lascoux Yvette Sultan
Andre Costes Germaine Tillion
Mireille Delmas-Marty Jean-Pierre Vernant
Stephane Hessel Pierre Vidal-Naquet

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