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Sami NAIR. Professeur d'Université Chargé de la mission
interministérielle Migrations/Codéveloppement
 
 
    RAPPORT DE BILAN ET D'ORIENTATION SUR
    LA POLITIQUE DE CODEVELOPPEMENT
    LIEE AUX FLUX MIGRATOIRES (résumé)
 
    
 
    MISSION INTERMINISTERIELLE "MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT"
 
    Ministère des affaires étrangères
    37, quai d'Orsay - 75007 PARIS
 
 
 
    10/12/1997
 
SOMMAIRE
 
    UN AUTRE REGARD SUR I 'IMMIGRATION    3
 
    A- LESAXES    4
        Maîtriser les flux pour l'intégration.    5
        Contingenter les migrations potentielles.    5
        Des engagements bilatéraux impliquant de nouveaux
            acteurs.    6
 
    B - LES ACTEURS    6
        L'Etat.    6
        Les collectivités territoriales.    7
        Les ONG et les associations.    7
        Les entreprises et les organisations
            professionnelles.    7
        Les universités et les instituts de formation.    7
 
    I. UNE POLITIQUE MIGRATIONS/CODÉVELOPPEMENT    8
        I) POUR DES CONVENTIONS DE CODEVELOPPEMENT    8
        2) UNE POLITIQUE CONCERTEE    8
        3) UNE POLITIQUE COMPRISE PAR L'OPINION
            PUBLIQUE    8
        4) UNE POLITIQUE MAITRISEE    8
 
    Il LES OBJECTIFS D'UNE POLITIQUE
        MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT    9
        1) INSTAURER LA MOBILITE DANS LE CADRE DE LA
            LOI    9
        2) SOUTENIR LES PROJETS DE DEVELOPPEMENT IMPLIQUANT
            DES MIGRANTS    9
        3) SOUTENIR ET RENFORCER L'ACTION DES COLLECTIVITES
            DECENTRALISEES    9
        4) SOUTENIR ET RENFORCER L'ACTION DU MOUVEMENT
            ASSOCIATIF    9
        5) FAIRE DES ETUDIANTS DES VECTEURS DE
            CODEVELOPPEMENT    9
        6) MOBILISER LES ENTREPRISES POUR L'ACCUEIL DE
            JEUNES    9
        7) FAVORISER LA MOBILITE DES ARTISTES POUR RENFORCER
            LES ECHANGES CULTURELS    10
        8) FAVORISER L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF DE L'EPARGNE
            DES MIGRANTS    10
        9) IMPLIQUER L'EUROPE DANS LA POLITIQUE
            MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT    10
 
    III. RENFORCER LE CARACTERE INTERMINISTERIEL DE LA
            POLITIQUE "MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT"    10
 
    IV. LA PROCIIAINE ETAPE: CONDUIRE UN DEBAT
            APPROFONDI    10
 
    V - RESUME DES PROPOSITIONS 36 (*)
 
    ANNEXES (*)
        1 - Les limites de l'aide à la réinsertion
        2 - Le programme développement local/migration
        3 - Les accords bilatéraux relatifs à des échanges
            de stagiaires professionnels
        4 - La coopération décentralisée dans la zone d'origine
            des migrants du fleuve Sénégal
 
 
(*) Ce document ne contient que la partie V (résumé) du rapport.
    Les parties II, III et IV, ainsi que les 4 annexes, devraient suivre...
 
 
    Sami NAIR
 
    Professeur d'Université
 
    Chargé de la mission interministérielle
            Migrations/Codéveloppement
 
    
 
    Rapport de bilan et d'orientation sur la politique de
            codéveloppement liée aux flux migratoires
 
    Rapport d'étape
 
    L'objectif du rapport d'étape n'est pas de définir une
nouvelle politique de coopération ou d'aide au développement
mais de proposer un cadre théorique, des objectifs précis et
une méthodologie d'action en matière de gestion des flux
migratoires pour le codéveloppement.
 
    Ce travail s'inscrit dans le cadre des concertations
interministérielles et des consultations de personnalités
qualifiées que nous avons sollicitées depuis le 13 novembre
1997 Il n'engage, bien évidemment, que la responsabilité
personnelle du chargé de mission.
 
    
 
    
 
UN AUTRE REGARD SUR I 'IMMIGRATION (résumé)
 
    
 
    La politique de gestion de flux migratoires doit
favoriser la stabilisation des immigrés légalement
installés, l'intégration sociale, le contrôle de l'entrée en
France, le respect des règles du séjour. Elle s'articule
également sur la politique extérieure de la France. Si
l'immigration constitue un apport réel dès lors qu'elle
correspond aux besoins de la France, elle ne doit pas pour.
autant être un manque à gagner pour les pays d'origine. La
France incarnera d'autant mieux ses valeurs fondatrices.
elle renforcera d'autant plus son rayonnement international,
qu'elle saura faire de l'immigration un vecteur de
solidarité avec les pays pauvres. La politique migratoire
implique donc des relations responsables avec ces pays. Elle
peut, elle doit s'approfondir, au-delà de la coopération
internationale, en une variété de politiques sectorielles de
codéveloppement. Cette exigence est devenue impérative,
parce que la France ne peut plus, dans le contexte actuel,
accueillir massivement de nouveaux flux migratoires et parce
qu'elle doit agir sur les causes des migrations si elle veut
éviter, par des mesures administratives draconiennes, de
ruiner les principes mêmes de l'Etat républicain de droit.
 
    Ces vingt dernières années, le contexte économique
international et national s'est considérablement modifié,
les flux migratoires également. Jusqu'au milieu des années
70, la France avait besoin de travailleurs étrangers pour
soutenir son rythme de développement : le système économique
était en expansion, l'expansion assurait la croissance, la
croissance favorisait l'intégration des nouveaux venus.
L'immigration, peu qualifiée, souvent  rurale, provenait en
général de pays avec lesquels la France entretenait des
liens historiques et culturels anciens (surtout les pays du
Maghreb et de l'Afrique francophone). Aujourd'hui,
l'économie change, la capacité d'absorption du marché du
travail se réduit, la croissance est limitée, les flux
migratoires se transforment autant dans leur composition
sociologique que dans leur origine géographique. Cette
situation peut se résumer en un paradoxe contraignant à la
réduction drastique des capacités nationales d'accueil fait
front l'extraordinaire diversification des flux migratoires.
 
    Le Gouvernement de la République propose aujourd'hui des
lois qui, en matière de nationalité, d'entrée et de séjour,
veulent trouver l'assentiment de la grande majorité des
Français, dans le respect du droit et de la dignité des
étrangers. Plus encore, une véritable prise de conscience
s'opère, qui veut renforcer l'intégration légitime des
immigrés légalement installés par l'aide aux pays d'origine
afin d'assurer la stabilité de leurs populations. Le facteur
nouvellement pris en compte est celui-ci les immigrés
légalement installés peuvent jouer un rôle non négligeable
dans le développement de leurs pays d'origine. Ils peuvent
devenir un vecteur du développement par le codéveloppement.
 
    Les migrants vecteurs de codéveloppement.
 
    La politique de codéveloppement liée aux flux
migratoires n'a pas pour but de favoriser le "retour" des
immigrés chez eux s'ils n'en ont pas la volonté. Au
contraire, leur présence légale en France est précisément la
condition de l'aide efficace aux pays d'origine. Elle n'a
pas non plus pour objectif la venue de nouvelles migrations.
parce qu'elle ne prône en aucun cas l'ouverture tous azimuts
des frontières. Elle vise surtout à renforcer l'intégration
en France tout en favorisant la solidarité active avec les
pays d'origine, à créer les conditions sociales pour aider
les migrants potentiels à demeurer chez eux.
 
    S'il est devenu de plus en plus difficile d'agir sur les
causes immédiates qui provoquent les flux migratoires
(misère, développement inégalitaire, déstabilisation
incontrôlée, anarchie urbaine) en utilisant les instruments
macro-économiques dans les rapports entre pays pauvres et
pays riches (difficultés de pallier les effets
déstructurants des politiques d'ajustement structurel,
efficacité limitée des systèmes de reconversion de la dette
en investissements productifs, etc..., il n'en est pas moins
toujours possible d'agir immédiatement sur ces causes par la
multiplication des instruments micro-économiques du
développement.
 
    L'immigration est un de ces instruments dès lors qu'elle
devient objet d'intérêt pour les pouvoirs publics, pour les
collectivités territoriales décentralisées, pour le
mouvement associatif, pour les entreprises, pour les
institutions de formation. Elle ajoute, à la seule dimension
des transferts de biens et de ressources financières, la
possibilité de diffusion, dans les pays d'origine, des
normes et des valeurs démocratiques expérimentées en France.
 
    Le codéveloppement : approfondir la coopération.
 
    En ce cens, si l'immigration s 'inscrit dans le contexte
de la politique classique de coopération de la France avec
les pays d'origine, elle ne s'y réduit pas pour autant. La
politique de coopération est une politique d'Etat à Etat.
bilatérale, dans laquelle les relations d'échange
participent de l'intérêt bien compris de chacun. La
politique de codéveloppement s 'inscrit dans cette trame,
mais l'approfondit en ajoutant à l'intérêt la solidarité
contraignante. Elle signifie le dépassement de la
coopération pour l'instauration d'objectifs communs.
L'intérêt partagé de la France et des pays d'origine est de
faire de l'immigration un vecteur de développement - parce
que celui-ci signifie la stabilisation des flux migratoires
dans le pays d'origine et la garantie de l'intégration en
France même.
 
    Enfin, l'originalité de la politique de codéveloppement
ne réside pas seulement dans l'articulation de
l'intervention active des partenaires institutionnels,
associatifs et économiques ; elle tient aussi et surtout
dans le fait que le migrant devient acteur conscient du
développement. C'est là qu'est le point central : nulle
forme d'aide (pouvoirs publics, banques, associations,
etc...> ne peut se substituer a l'action 4e l'immigre'
lui-même. Il est le coeur et le corps vivant de l'opération.
Sa participation active est la condition sine qua non de la
solidité de l'édifice.
 
    A- LESAXES (résumé)
 
    La politique de codéveloppement liée aux flux
migratoires doit s'articuler autour des axes suivants :
 
    Maîtriser les flux pour l'intégration.
 
    L'intégration des populations légalement installées en
France n'est ni évidente, ni réellement achevée. Elle
concerne l'immigration de travail que l'arrêt officiel de
l'immigration en 1974 a limité sans pour autant la tarir,
l'immigration familiale qui y correspond, les bénéficiaires
du droit d'asile, les régularisés selon les diverses
procédures exceptionnelles. Cette immigration, pâtit tout
particulièrement de la crise sociale en France. Frappée
massivement par le chômage, souvent confinée dans les
banlieues, elle constitue un sujet de conflictualité
permanent, surtout depuis que des forces politiques
démagogiques utilisent sa présence en France pour attiser la
xénophobie, la haine et le racisme.
 
    D'un autre côté, cette immigration subit aussi
indirectement les effets de l'accroissement des inégalités
Nord-Sud et des déplacements de populations liés aux
désagrégations des Etats (surtout en Afrique). Elle devient,
par devers elle, le pôle de référence pour toutes les
victimes de la misère, de la violence et du désespoir social
dans les pays pauvres.
 
    En fait, les inégalités de développement entre pays
pauvres et riches se sont tellement approfondies ces
dernières années, l'attrait du mode de vie dans les pays
développés popularisé par les médias est devenu Si puissant-
que les flux migratoires vont continuer à croître et
toucheront sans doute des catégories nouvelles de
populations. Livrés à eux-mêmes, ces flux contribuent à
déligitimer l'immigration légalement installée en poussant
les Etats à adopter, ou renforcer des mesures draconiennes
de contrôle et de fermeture des frontières.
 
    Enfin, la composition sociologique des flux migratoires
tend à se diversifier : à l'émigration rurale et périurbaine
s'ajoute de plus en plus une émigration de couches
intermédiaires (employés, petits commerçants et artisans,
étudiants refusant le retour au pays d'origine) et même de
couches moyennes (avocats, médecins, ingénieurs etc...).
 
    Or, si l'accueil des premières migrations de travail
était une nécessité dans les années d'expansion et pouvait à
la fois passer pour une aide de facto aux pays pauvres, il
est aujourd'hui absolument évident que l'émigration des
couches qualifiées correspond à une perte sèche, une
hémorragie socio-économique pour ces mêmes pays. Ces
nouvelles formes de migrations peuvent, favorisées par les
pays riches, s'assimiler à une nouvelle forme de "pillage du
Tiers-Monde".
 
    Si la politique d'intégration de l'immigration
légalement installée reste donc une obligation pour la
France, la nécessité d'organiser et de contrôler les
nouveaux flux devient une tâche impérative pour l'intérêt de
tous.
 
    Contingenter les migrations potentielles.
 
    La fermeture des frontières à de nouvelles immigrations
est la réponse la plus simple, mais il faut aussi en assumer
les conséquences inattendues accroissement des demandes
d'asile, renforcement impressionnant du regroupement
familial, immigration illégale, etc...
 
    Plus encore, la fermeture drastique des frontières
favorise un phénomène nouveau : au lieu de rechercher
seulement un travail rémunérateur. pour une période
provisoire, le candidat est surtout obsédé par la quête d'un
statut légal définitif car il sait que s'il quitte la France
au terme d'un séjour temporaire, il lui sera difficile d'y
revenir. Cette fermeture conduit ainsi souvent à
l'installation définitive alors que beaucoup d'immigrés
préféreraient pouvoir aller et venir plus librement, dans le
cadre de séjours temporaires.
 
    Or, si l'on accepte l'idée que les migrations vont se
poursuivre. il faut sortir de ces contradictions infernales.
Les migrations peuvent en réalité devenir source de
développement et de progrès social autant pour la France que
pour les pays d'origine : la dynamique d'intégration de
l'immigration légalement installée doit être renforcée, pour
les migrations potentielles, par l'organisation de la
mobilité et de l'alternance. C'est la seule manière de
limiter de façon significative la pression migratoire et
l'immigration illégale qui en découle, de lui donner une
réponse légale, bénéfique tant pour la France que pour les
pays d'origine. Cette alternance doit être organisée dans
des cadres rigoureux et relever d'une véritable politique de
contingentement des flux migratoires.
 
    Nous parlons de contingents, non de quotas.
 
    Les quotas visent à accueillir des catégories de
personnes selon nos besoins immédiats, et à les doser selon
nos seuls intérêts. Or, les pays pourvoyeurs d'émigrés n'ont
pas nécessairement toujours intérêt à voir partir ceux dont
nous avons besoin. Il faut dépasser cette logique
strictement instrumentale. La politique de codéveloppement
fait au contraire appel à des contingents de personnes
destinées à se former en travaillant en France, en vue du
retour programmé dans le pays d'origine. Cette politique
articule nos besoins avec ceux des pays de départ. Par la
circulation ainsi organisée, elle constitue une véritable
aide au développement.
 
    Des engagements bilatéraux impliquant de nouveaux
acteurs.
 
    En matière de flux migratoires, cette politique doit
donc se déployer dans deux directions
 
    1) utiliser l'immigration légalement installée comme
vecteur permanent d'aide au pays d'origine
 
    2) organiser les nouveaux flux de telle sorte que
l'objectif consiste non pas à favoriser leur installation
définitive en France, mais leur réinstallation dans le pays
d'origine. C'est pourquoi leur statut doit être temporaire
et clairement viser au retour. Cela signifie que la France
parle clairement aux principaux pays pourvoyeurs de flux
migratoires : leur collaboration est une condition
indispensable pour la réussite de cette politique
d'alternance. La France doit aider ces pays à former des
cadres, des travailleurs ; ces pays doivent s'engager à
réaccueillir chez eux ces travailleurs et ces cadres. Pour
définir ce double engagement, nous proposons d'établir des
conventions de codéveloppement/migrations entre la France et
chacun des Etats concernes.
 
    La convention ne doit pas se limiter aux seuls Etats. De
nouveaux acteurs entrent en jeu, qui peuvent renforcer
considérablement l'efficacité de cette politique : les
collectivités territoriales, les ONG et le mouvement
associatif issu de l'immigration légalement installée, les
entreprises privées, les universités et les instituts de
formation, les organisations professionnelles. C'est
pourquoi nous proposons que cette politique de
codéveloppement se décline non seulement en conventions
migrations/codéveloppement. ce qui implique l'ensemble des
relations bilatérales entre Etats, mais aussi en contrats
régionaux et locaux de codéveloppement, ce qui implique des
relations directes avec les collectivités territoriales,
entreprises, organisations professionnelles, universités,
mouvement associatif.
 
    Loin d'être une stratégie administrative rigide de
gestion des flux migratoires, la politique de
codéveloppement appelle au contraire la fluidité, la
multilatéralité et l'innovation horizontale entre les
différents acteurs concernés. Ceux-ci interviennent dans des
champs spécifiques mais leurs interventions s'entrecroisent
et se complètent réciproquement.
 
    B - LES ACTEURS   (résumé)  
 
    L'Etat.
 
    Il a pour vocation de réguler les flux migratoires en
relation avec les besoins de la France et ceux des
principaux pays d'origine des immigrés : il apporte aussi
par la mise en place des conventions
migrations/codéveloppement, la garantie publique sur des
engagements précis il soutient les acteurs concernés et
coordonne leur action avec celle des structures
infra-étatiques.
 
    Les collectivités territoriales.
 
    Elles peuvent aider à l'élaboration et à la réalisation
de projets de développement intégrés (micro-projets,
création d'entreprises, etc). Elles ajoutent à la
verticalité de l'action étatique, l'horizontalité des
pratiques démocratiques civiles en renforçant le rôle des
acteurs de terrain et en développant des relations directes
de société civile à société civile. Elles renforcent aussi
la transparence de l'utilisation des fonds publics et leur
contrôle par les populations. Par là, elles contribuent
profondément à la transmission des pratiques démocratiques
nécessaires pour la consolidation des Etats de droit dans
les pays concernés.
 
    Elles permettent, enfin, de considérer les immigrés
comme des acteurs du développement et favorisent ainsi la
rencontre entre l'immigration et les populations locales
dans le pays d'accueil.
 
    Les ONG et les associations.
 
    Leur importance n'est jamais suffisamment soulignée.
Elles apportent solidarité innovation citoyenne, pratiques
d'échanges culturels, soutien aux migrants sensibilisation
de l'opinion publique en France. Elles sont, aujourd'hui. un
véritable foyer d'expérimentations démocratiques dans des
pays comme le Mali. le Sénégal, le Maroc, la Tunisie. Elles
peuvent jouer un rôle très positif dans la limitation des
pratiques arbitraires et renforcer ainsi la cohésion sociale
et la paix civile dans ces pays. Elles doivent donc être
associées aux contrats nationaux, régionaux et locaux de
codéveloppement.
 
    Les entreprises et les organisations professionnelles.
 
    Le développement des pays d'émigration, particulièrement
de ceux d'où proviennent les flux les plus importants, passe
aujourd'hui par la formation de couches intermédiaires et
moyennes solides et intégrées. Celles-ci ne peuvent plus
être seulement portées par des politiques publiques liées
ait secteur étatique. L'émergence d'un tissu de petites et
moyennes entreprises est une condition impérative dit
développement endogène. Seule sa constitution permettra de
pallier les effets déstructurants des politiques
d'ajustement structurel.
 
    La culture entrepreneuriale devient ainsi une condition
sine qua non du développement. A partir des micro-projets,
il est possible de favoriser l'expansion de cette culture et
de libérer les énergies innovantes dans les pays d'origine.
Les entreprises françaises qui veulent investir dans ces
pays ont, de plus. besoin de personnel autochtone formé à la
rationalité économique et aux normes de service
correspondant à la qualité du produit offert (dans
l'hôtellerie, le tourisme etc). Il est de leur intérêt de
jouer un rôle moteur, avec les organisations
professionnelles, dans la définition d'une organisation
nouvelle, alternée, des migrations.    
 
    Les universités et les instituts de formation.
 
    Ces institutions sont directement confrontées au
problème de l'immigration non maîtrisée. Elles doivent faire
face, sans moyens, â des flux d'étudiants qui ne s
inscrivent ni dans une véritable stratégie d'accueil de
l'Etat français ni dans celle d'un partenariat voulu avec
les pays du Sud. Leur rôle est cependant essentiel pour
l'adaptation de la qualification des étudiants étrangers aux
besoins économiques et sociaux des pays pauvres.
 
    La politique de codéveloppement en matière de flux
migratoires doit s'appuyer sur tous ces acteurs. Elle ne
prétend pas résoudre définitivement la question des flux
migratoires, elle indique surtout des voies pour orienter
ces flux dans l'intérêt commun des pays d'origine et de la
France. Elle ne peut, bien sûr, être appliquée
invariablement à toits les pays d'émigration. Elle doit
plutôt procéder par cercles concentriques. Nous proposons-
en renforçant et élargissant ce qui a déjà été mis en place
par le Secrétariat d'Etat à la Coopération, le Ministère de
la Solidarité et de l'Emploi, l'OMI qu'elle s'applique
d'abord aux pays avec lesquels la France entretient des
relations particulières et profondes, ceux de l'espace
francophone (Mali. Sénégal, Mauritanie, pays du Maghreb).
Dans un second temps, elle pourrait être élargie à d'autres
pays, particulièrement la Turquie. la Roumanie et certains
pays asiatiques.
 
    Ce rapport ne se veut en rien définitif. C'est un
rapport d'étape. Il cherche à s'inscrire dans la réflexion
actuellement en cours sur la politique que la France entend
élaborer en matière de développement et de coopération
internationale. Relativement aux flux migratoires, nous
proposons que cette réflexion soit menée dès maintenant en
étroite association avec les acteurs susmentionnés. Le
programme d'action proposé doit ouvrir cette concertation et
aider à définir cette politique de codéveloppement par
l'échange démocratique et la participation citoyenne.
 
    La France ne doit plus vivre l'immigration comme une
pression insupportable. Elle doit, conformément à ses
valeurs démocratiques et républicaines, aider au
renforcement des Etats de droit dans les pays d'émigration.
C'est ainsi, et seulement ainsi, qu'elle demeurera fidèle à
elle-même.
 
    
 
I. UNE POLITIQUE MIGRATIONS/CODÉVELOPPEMENT (résumé)
 
    I) POUR DES CONVENTIONS DE CODEVELOPPEMENT
 
    Des conventions de Codéveloppement engageront la France
et les pays partenaires.
 
    Une commission mixte migrations codéveloppement définira
le contenu concret de ces conventions en associant à titre
consultatif les différents partenaires collectivités
territoriales, associations, entreprises, universités...
 
    Des contrats de codéveloppement régional et local
privilégieront l'action de proximité.
 
    2) UNE POLITIQUE CONCERTEE
 
    Une concertation permanente et institutionnalisée sera
instaurée dans le cadre de
 
    La Commission Nationale de la Coopération Décentralisée
(collectivités territoriales),
 
    La Commission Coopération et Développement (COCODEV)
(Associations de solidarité internationale)
 
    Le Haut Conseil de la Solidarité Internationale
(ensemble des partenaires)
 
    3) UNE POLITIQUE COMPRISE PAR L'OPINION PUBLIQUE
 
    Une politique de communication mettra en valeur les
actions et les réalisations concrètes en s'appuyant sur les
grandes associations et les collectifs des organisations de
solidarité internationale qui jouent Lin rôle essentiel dans
la sensibilisation des opinions.
 
    4) UNE POLITIQUE MAITRISEE
 
    Une commission ad hoc permettra l'évaluation
partenariale de la politique Migrations/Codéveloppement.
 
Il LES OBJECTIFS D'UNE POLITIQUE MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT (résumé)
 
    1) INSTAURER LA MOBILITE DANS LE CADRE DE LA LOI
 
    Une mobilité maîtrisée sera organisée pour certaines
catégories de personnes non prises en compte par le rapport
Weil (étudiants bénéficiaires des contrats de
codéveloppement formation/emploi, personnes ayant bénéficié
des dispositifs d'aide au projet ou du statut de stagiaires
professionnels, anciens immigrés, artistes).
 
    Des contingents codéveloppement seront définis au sein
de commissions mixtes en fonction des intérêts communs de la
France et des pays d'origine.
 
    2) SOUTENIR LES PROJETS DE DEVELOPPEMENT IMPLIQUANT DES
            MIGRANTS
 
    L'aide aux projets des migrants devra dépasser la simple
aide au retour par l'accroissement de l'aide financière, la
création de systèmes financiers décentralisés, et le
renforcement des dispositifs d'appui et d'accompagnement.
 
    3) SOUTENIR ET RENFORCER L'ACTION DES COLLECTIVITES
            DECENTRALISEES
 
    L'Etat privilégiera dans ses cofinancements les projets
de coopération décentralisée impliquant des migrants.
 
    Les contrats de codéveloppement régionaux et locaux dans
les pays d'origine et les conseils locaux du codéveloppement
en France faciliteront l'engagement des collectivités
territoriales et des autres partenaires locaux..
 
    4) SOUTENIR ET RENFORCER L'ACTION DU MOUVEMENT
            ASSOCIATIF
 
    L'Etat soutiendra prioritairement dans ses
cofinancements les projets associatifs
migrations/codéveloppement, et aidera la structuration des
associations impliquant des migrants.
 
    5) FAIRE DES ETUDIANTS DES VECTEURS DE CODEVELOPPEMENT
 
    Des contrats codéveloppement formation/emploi offriront
aux étudiants la possibilité de venir se former en France
pour autant qu'ils acceptent de mettre leur compétence au
service du développement de leur pays d'origine. Les
contingents de tels contrats seront définis par la
commission mixte en fonction des garanties d'emploi offertes
au retour.
 
    Pour les autres étudiants originaires des pays
partenaires de politiques de codéveloppement, il sera
possible d'acquérir une expérience professionnelle à travers
un stage salarié de 3 à 18 mois après la fin de leurs
études.
 
    6) MOBILISER LES ENTREPRISES POUR L'ACCUEIL DE JEUNES
 
    TRAVAILLEURS EN STAGE DE PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL
 
    Des contrats codéveloppement/qualification
professionnelle permettront à de jeunes travailleurs (18-35
ans) des pays partenaires de convention de codéveloppement
de bénéficier pendant 9 à 18 mois d'une expérience de
perfectionnement professionnelle à travers des stages
salariés dans les entreprises françaises.
 
    Les contingents de ces contrats seront déterminés
annuellement au sein des commissions mixtes, en relation
avec les entreprises volontaires.
 
    7) FAVORISER LA MOBILITE DES ARTISTES POUR RENFORCER LES
            ECHANGES CULTURELS
 
    La mobilité des artistes originaires des pays
partenaires de ces conventions de codéveloppement sera
facilitée par l'octroi, sur avis du service culturel de
l'ambassade
 
    concernée, d'un visa de circulation dont le
renouvellement sera simplifié.
 
    8) FAVORISER L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF DE L'EPARGNE DES
            MIGRANTS
 
    Des instruments financiers mixtes proposeront aux
immigrés des produits d'épargne incitatifs orientés vers
l'investissement productif.
 
    9) IMPLIQUER L'EUROPE DANS LA POLITIQUE
            MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT
 
    Un volet Migrations/Codéveloppement sera introduit dans
les accords de Lomé V. La France veillera à ce que ce volet
soit orienté non pas seulement vers l'aide au retour mais
vers l'aide au projet et l'instauration d'une mobilité
maîtrisée.
 
    La France doit proposer l'intégration des actions
Migrations/Codéveloppement dans le cadre du partenariat
euro-méditerranéen (programmes MEDA).
 
    III. RENFORCER LE CARACTERE INTERMINISTERIEL DE LA
            POLITIQUE "MIGRATIONS/CODEVELOPPEMENT" (résumé)
 
    Les moyens financiers de la politique
"Migrations/codéveloppement" devront être mobilisés par
redéploiement de crédits existants.
 
    Une structure Interministérielle doit être créée pour
veiller à la mise en oeuvre de cette politique, animer et
évaluer les dispositifs partenariaux, assurer la
concertation avec les pays d'origine et l'ensemble des
acteurs concernés, promouvoir une politique de communication
adéquate.
 
    Cette structure sera placée sous l'autorité du Premier
Ministre, et soumettra ses orientations au Comité
Interministériel d'Aide au Développement.
 
    IV. LA PROCIIAINE ETAPE: CONDUIRE UN DEBAT APPROFONDI (résumé)
 
    Les propositions de ce rapport doivent faire l'objet
d'un débat approfondi avec l'ensemble des partenaires (
administrations, pays d'origine, acteurs décentralisés).
 
    Des groupes de travail, et des réunions publiques sur
des thèmes précis rythmeront ce débat qui se conclura en mai
1998 par l'organisation d'Etats généraux du codéveloppement
en mai 1998.