Éloge prononcé par Heribert Prantl

Responsable de la politique intérieure au Süddeutsche Zeitung [pajol]

Traduction : Michel Alba français  / deutsch

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Heribert Prantl

VOICI à présent revenu le temps des discours innombrables nous remémorant l'étable de Bethlehem et les lois de l'hospitalité. Je ne sais pas ce qu'il en est des politiciens responsables de la « castration » du droit d'asile, ni ce qu'il en est de Noël. Je ne sais pas ce qu'il advient à un chrétien-démocrate assistant à la Messe de Minuit lorsque peu de temps auparavant il en était encore à imposer des mesures contre les réfugiés mettant un terme à leur séjour, et les a fait mettre à exécution. Dans la crèche, comme vous savez, il y a l'aubergiste qui refuse le gîte à Marie et à Joseph. Il y a aujourd'hui en Allemagne, il y a aujourd'hui en France, il y a aujourd'hui dans l'Union Européenne de très nombreux aubergistes des plus rudes qui refusent, sous leurs formes modernes, aide et soutien à ceux qui cherchent à être héberger. Les aubergistes d'aujourd'hui s'appellent Günter Beckstein, tel le Ministre de l'Intérieur de Bavière, ils s'appellent Klaus Landowsky ou Jörg Schönbohm ; les aubergistes d'aujourd'hui sont sénateurs et ministres, conseillers au gouvernement, juges administratifs et juges constitutionnels. Et les pâtres d'aujourd'hui, qui veillent - ce sont ces hommes et les initiatives qu'ils ont prises, comme celle que nous honorons aujourd'hui : la Coordination Nationale des Sans-Papiers et leur porte-parole, Madjigène Cissé. Ils nous montrent le visage de ce que peut être aujourd'hui une résistance acharnée qui rayonne. Leur résistance a donné conscience et force à ce que d'aucuns appellent des « clandestins ».

Peut-être vous souvenez-vous : fin février 1997, les déclarations racistes de la maire de Vitrolles nouvellement élue ont provoqué un grand trouble. Cette élue d'extrême droite du parti de Jean-Marie Le Pen a parlé de « différences génétiques entre les races » et de leurs conséquences politiques : « Nous retirerons immédiatement aux immigrés toutes les aides et donnerons l'argent aux Français. Nous verrons alors comme ils disparaîtront vite d'ici, car ils ne sont ici qu'à cause de l'argent ». A l'égard des craintes de nombreux citoyens de Vitrolles, elle ajouta : « Ces immigrés ont raison d'avoir peur. C'est pour cela que nous avons été élus ».

Ce fut un tollé de protestation dans l'opinion publique, tant en France qu'en Allemagne, y compris chez les responsables politiques allemands. Cette réaction fut salutaire, mais peut-être aussi un peu malhonnête et hypocrite. Les responsables politiques français d'extrême droite l'ont démontré à satiété. Mais ils ne sont loin d'être les seuls à exprimer de telles idées — d'autres les expriment simplement moins crûment.

Il y eut à cet égard une scène significative au Parlement de Strasbourg en février 1996. Là, un orateur membre du Front national de Jean-Marie Le Pen, ne cessait de poser la même question dans l'enceinte du Parlement : « Qui a dit cela ? » S'ensuivait à chaque fois une citation, et puis, après une pause rhétorique et non sans une malicieuse satisfaction, la solution de l'énigme : « Non, ce n'est pas de Le Pen, mais de Monsieur Glos, le président du groupe de la CSU au parlement allemand », « Non, ce n'est pas d'un responsable du Front national, mais du ministre des finances (une remarque : c'était alors encore Waigel) de la République fédérale d'Allemagne », « Non, ce n'est pas une déclaration de Jean-Marie Le Pen, mais du Chancelier allemand Khol », et « Cette phrase non plus ne vient pas des rangs du Front national ni du Vlaams Blok, mais de Klaus Zwickel, le président de IG Metall ».

Le député français d'extrême droite au Parlement de Strasbourg, Jean-Yves Le Gallou citait des prises de positions de responsables allemands comme les suivantes, qui à ses yeux auraient tout aussi bien pu provenir de son chef Le Pen : « Nous ne pouvons pas accepter que des millions de nos concitoyens soient au chômage et qu'en même temps des centaines de milliers de travailleurs étrangers reçoivent un permis de travail ». Ce pot-pourri de citations constituait la contribution du Front national au débat à l'occasion de l'ouverture de l'année européenne contre le racisme, à laquelle l'Union Européenne avait appelé. Le discours de Le Gallou atteignit son sommet dans une phrase affirmant qu'on ne devait pas être à la remorque des idées de l'anti-racisme mais combattre l'immigration et donner la priorité aux intérêts nationaux. Bref, ne pas courir après les idées de l'anti-racisme, les intérêts nationaux passent avant tout. C'est un discours que nous connaissons bien en Allemagne aussi.

« Hypocrisie » brandissaient les manchettes des journaux quand début mars, cette année, ici à Berlin, l'année européenne contre le racisme fut ouverte en Allemagne. Mais cela non plus n'était pas faux. Le maire de Berlin, Eberhard Diepgen, avait parlé dans son discours de l' « évidence de la bonne entente mutuelle » entre les étrangers et les Allemands de Berlin ; et c'est exactement à cet endroit de son discours que l'hypocrisie devenait transparente. Ce n'est assurément pas, en effet, d' « évidence de la bonne entente » qu'il sied de parler, mais de l'évidence manifeste du racisme en politique quand peuvent être prononcées des phrases comme celle-ci : « La lie du genre humain » est arrivée en Allemagne « avec les étrangers venus de Russie, de Roumanie, du Liban, de Chine et du Vietnam et se rassemble à présent dans les grandes métropoles de l'Occident autrefois libre ». Ce n'est pas non plus d' « évidence de la bonne entente » qu'il s'agit quand on s'exprime ainsi : « Où il y a les ordures, se trouvent les rats, et où règne l'abandon, se tient la racaille », qu'on doit éloigner.

Ce n'est pas le trublion d'extrême droite et assassin de femmes de la résistance arabe lors de son arrestation qui a prononcé ces paroles. Ces phrases n'ont pas été écrites non plus par les nationalistes qu'on peut entendre sur leur répondeur téléphonique ou par les « Jeunes Liberté ». Elles ont été prononcées, comme on le sait, intentionnellement et publiquement à la Chambre des députés de la Capitale allemande, dans un discours du président du groupe chrétien-démocrate de Berlin, Klaus Landowsky.

Le président de la République Roman Herzog avait bien raison dans son discours de Berlin lors de l'ouverture de l'année européenne contre le racisme de souligner en le déplorant que le racisme commence déjà avec le langage. Mais il a démontré lui-même à quel point il est manifestement difficile de se tenir à ces bons principes. C'est ce que sont venus lui dire avec éloquence une jeune Allemande d'origine grecque et un jeune Allemand d'origine turque en le saluant très cordialement sur la scène alors que peu de temps auparavant le président de la République avait parlé du « droit d'hospitalité » des étrangers en Allemagne mais que l'on pouvait mettre en oeuvre en l'encadrant par des sanctions pénales.

Nous nous sommes presque habitués à cet utilisation de la langue. Elle appartient à cet argumentaire stéréotypé de la politique : abus du droit d'hospitalité. Celui qui manifeste, occupe des églises, celui qui lutte contre les arrestations et les expulsions, celui qui, totalement désespéré, s'arrose d'essence et y met le feu, celui qui se conduite de manière hystérique par désespoir, celui-là ne se conduit pas comme il sied à un ôte de se conduire. Et que fait-on d'un ôte qui tourne les talons ? On lui fait les compliments d'usage sur le seuil de la porte s'il ne s'en va pas de lui-même, ensuite on le jette dehors. C'est ainsi qu'a réagi l'opinion publique aux actions en partie violentes des Kurdes, et c'est aussi ainsi que les ont commentées les responsables politiques : les délits des étrangers étaient visibles.

C'est une des grandes contributions du mouvement des Sans-Papiers que d'avoir rompu avec ce type d'argumentation. Ce mouvement a réussi à mettre en place un vaste réseau de soutien dans l'opinion publique.

Et pour en rester à cette métaphore de l'hôte, c'est-à-dire à cette image de l'étranger qui ne serait qu'un hôte, la question est encore de savoir comment s'est comporté celui qui le reçoit. Comment se comporte l'Allemagne fédérale ? Elle a envoyé des armes dans le pays d'où vient son hôte. Elle a laissé faire quand ces armes (dans le Kurdistan turc) ont été dirigées contre la famille de son hôte. Elle a fermé les yeux sur le sort qui était réservé aux amis et aux connaissances de son hôte: elle a laissé faire quand sa langue a été interdite. Elle n'a pas voulu entendre les mises en garde des militaires annonçant que le problème kurde allait être réglé par un bain de sang. Voilà ce qu'il en est de l'image cachée de l'hôte et de celui qui le reçoit. Parmi les quatre cent mille Kurdes qui vivent en Allemagne, nombreux sont ceux qui y vivent depuis des décennies ; leurs enfants sont nés ici et y ont grandi. Des hôtes ? Ce sont en vérité des Allemands appartenant au peuple kurde et (en raison d'un ancien droit à la citoyenneté toujours en vigueur) de nationalité turque.

La politique est parfois bien pitoyable. Il lui arrive de voir le visage d'un opposant politique dans celui d'un enfant. Et cet opposant, on le traite en conséquence, c'est-à-dire avec rigueur et sans pitié. On fait ensuite de cet opposant presque un ennemi de l'Etat comme ce fut le cas en Bavière avec « Mehmet », cet enfant de 14 ans qui a été condamné. On lui colle sur le dos tous ses méfaits jusqu'à ne plus voir qui au juste se cache dessous : pas le chevalier de l'Apocalypse, mais un pauvre gamin qui a mal tourné. Mais les politiciens de Bavière se sont emparés abusivement du cas de Mehmet pour entretenir une folie dangereuse pour la démocratie, à savoir que l'étranger reste un étranger, un simple « hôte », quand bien même il serait né ici et y aurait grandi.

Comme le stipule la Convention internationale des droits de l'enfant : les enfants doivent faire l'objet d'une protection raisonnable. Les autorités ne se sont pourtant pas le moins du monde préoccupées de savoir ce qu'il allait advenir de Mehmet après son expulsion. Elles peuvent dormir tranquille : l'Allemagne a adhéré à la Convention. Certes ! mais ce n'est pas sans certaines clauses de réserve.

Qui observe l'évolution des politiques en matière de droit d'asile, de droits des réfugiés et de droit des étrangers durant les quinze ou vingt dernières années, ne peut s'empêcher de poser cette éternelle question : que va-t-il encore se passer ? En France a déjà commencé une nouvelle étape du débat : le 18 mars 1996 trois cents hommes et femmes, originaires d'Afrique de l'Ouest, occupaient l'église Saint-Ambroise dans le 11ème arrondissement de Paris. Les occupants de l'église Saint-Ambroise, qui plus tard devaient connaître la célébrité sous le nom de « Sans-papiers de Saint-Bernard », s'étaient opposés à leur expulsion imminente après une vague de rafles et de mesures d'éloignement. Leur exigence centrale : « Des papiers pour tous » - et elle fut relayée au cours du conflit par de grandes manifestations. Soit dit en passant : on souhaiterait que de telles manifestations aient aussi lieu chez nous, pour amener le nouveau gouvernement, avec sa coalition de papier « Rouge-Verte » qui n'est pas disposée à bouger dans ce domaine, à prendre les mesures qui s'imposent en matière de droit des réfugiés et de droit d'asile.

Mais revenons à la France, à Madjigène Cissé et aux Sans-Papiers : grève de la faim. Le 12 août 1996, au 38ème jour de la grève de la faim, la police fit irruption dans l'église Saint-Bernard et traîna les grévistes dans les hôpitaux pour leur imposer des soins par la force. Les médecins se refusèrent à tout traitement en dehors de la volonté des grévistes ; les Sans-Papiers retournèrent aussitôt à l'église. Une large part de l'opinion publique prit alors fait et cause pour les occupants de l'église : des témoignages de solidarité eurent lieu, ils étaient des centaines à se rendre en pèlerinage à l'église, à y passer la nuit ; les syndicats, les partis de gauche s'engagèrent en faveur des Sans-Papiers. De nombreuses associations promirent d'intervenir en leur faveur, sans doute avec l'arrière-pensée que d'autres ne viendraient pas s'ajouter à ces trois cents cas. Le 23 août 1996, à l'aube, commença le nettoyage par la police, avec force et brutalité : dix des occupants furent aussitôt expulsés. Les autres trouvèrent refuge comme Collectif de Saint-Bernard dans un immeuble appartenant à un syndicat dans le 10ème arrondissement.

Cette action allait faire des émules : des immigrés de Chine, de Turquie, du Kurdistan, du Maghgreb, d'Amérique latine et d'Europe de l'Est fondèrent de nouveaux collectifs de Sans-Papiers. Un mouvement de soutien, qui s'est organisé de lui-même, est né qui compte aujourd'hui en Europe parmi les mouvements sociaux et politiques les plus importants. Ce que le syndicat polonais « Solidarnosc » fut pour l'histoire de l'Europe de l'Est, le mouvement des Sans-Papiers pourrait le devenir pour l'histoire politique et sociale de l'Union Européenne. Les conflits où sont engagés très consciemment les Sans-Papiers, se posent en effet dans toute l'Europe.

L'inflation est observée en Europe avec les yeux d'Argus. En revanche, on fait peu de cas de l'inflation du droit. En matière de droit des réfugiés, on assiste à une véritable inflation, voire à une hyper-inflation, qu'on passe sous silence. Les réfugiés sont exclus de nos frontières, y compris par les normes du droit international en vigueur. Le droit d'asile en Allemagne n'est pas partie prenante d'un consensus européen responsable, contrairement à ce qu'a affirmé l'ancien ministre de l'intérieur, Manfred Kanther, mais partie d'un système européen irresponsable. Tout le monde s'en lave les mains. On refile simplement le bébé à l'Etat voisin, et peu importe ce qu'il lui arrivera. La seule préoccupation, c'est que ça doit aller vite, à tout prix, au prix de tous scrupules, au prix de l'humanité. Il y a un calcul dans cette affaire : la procédure expéditive doit décourager en effrayant.

L'Union Européenne est en train de reconstruire un rideau de fer sous de nouvelles formes : un mur fait de techniques informatiques, de bureaucratie et de police mobile des frontières. Les étrangers ne sont autorisés à entrer qu'avec un visa, la possibilité de déposer une demande de visa est de plus en plus lourde, et la chance d'obtenir enfin ce fameux visa rétrécit à vue d'oeil. Les pays sources se défont de leurs anciens liens coloniaux et l'Europe les poussent à stopper la migration postcoloniale. Les traités de Schengen et de Dublin et quantité d'accords de retour au pays se lisent de manière analogue à ces règlements de l'administration allemande chargée d'exécuter les décisions de justice, où il est inscrit quel prisonnier est « déporté », quand et comment et dans quelle prison. C'est ainsi qu'un homme qui doit être expulsé, se voit affublé du nom de « déporté ».

La politique que mènent les gouvernements européens suit le principe de Saint-Florian : tous les efforts des pays respectifs de l'UE et de leurs voisins ne visent qu'à un seul but : mettre en place des mécanismes de défense contre le flot des réfugiés. Le monde est couvert par tout un réseau d'accords de retour au pays où le réfugié est pris comme dans une nasse où il n'y a plus ensuite qu'à aller à la pêche, là où il avait espéré soutien et aide. Le système de protection des réfugiés, construit dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, vole en éclat. Dans le même temps, on fête en grandes pompes le cinquantième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme proclamée le 10 décembre 1948 à Paris.

Mis au ban de la société - tel était le sort réservé au Moyen-Age au criminel impénitent. Personne n'avait le droit de lui porter assistance, de l'héberger ni de le nourrir. Il était exclu de la communauté où règnent le droit et la paix, et livré à la vindicte populaire. La dernière fois qu'un tribunal de l'Empire a officiellement ordonné le bannissement, c'était à Welzlar en l'an 1698. Mais aujourd'hui le bannissement est de retour, dans sa forme moderne. Les autorités administratives l'ordonne, et il s'appelle aujourd'hui : interdiction du territoire. Il signifie : exclusion ; il signifie que le réfugié devient « exlex », un hors la loi, sans droit.

La politique contre l'asile et les demandeurs d'asile a un effet d'accoutumance : une partie de la société a fini par accepter et apprécier, voire même exiger cette forme radicale de l'exclusion qu'est la politique d'expulsion et d'interdiction du territoire. La conséquence, c'est qu'après l'expulsion des réfugiés, on en vient à expulser les mendiants : de plus en plus de communes prennent des « arrêtés de mendicité » pour repousser les mendiants hors de nos centre-ville. Ce n'est pas la pauvreté qu'on combat mais les pauvres qu'on exclut. Une partie de la société s'est accoutumée au fait que certains droits fondamentaux devraient être considérés comme un luxe. L'Etat considère que la justice sociale n'est plus un devoir mais un supplément d'âme, que l'on pourrait n'offrir qu'en période grasse - et par les temps qui courent, n'est-ce pas, ce n'est hélas pas le cas.

Ce cynisme de l'Etat, les politiciens conservateurs l'exigent aussi de l'Eglise. Manfred Kanther, l'ancien ministre de l'intérieur, et son collègue Beckstein, de Bavière, encore en fonction, ne mettent-ils pas en garde catholiques et protestants quand les réfugiés, menacés d'expulsion, trouvent refuge dans leurs églises et dans leurs temples ? Et ils raillent cette initiative en prétendant que nous avons le droit d'asile le plus libéral du monde ! Si Kanther traduisait « libéral » par « insensible », alors il se pourrait qu'il ait raison. Les paroisses qui offrent l'asile de l'Eglise, offrent ce que l'Etat leur refuse : protection et assistance dans une situation de détresse. Elles accueillent les réfugiés, rendent public le sort qui leur est fait et les représentent dans les négociations avec les autorités. Le mouvement des Sans-Papiers et Madjigène Cissé sont à cet égard pour le mouvement du droit d'asile des Eglises en Allemagne comme une comète qui non seulement les éclaire mais les inspire.

Les Sans-Papiers ont montré qu'il faut en finir avec la clandestinité : on les appelle « illégaux » en Allemagne, « clandestins » en France. « On dirait qu'on a affaire à des fantômes », dit notre récipiendaire, « ou comme quelqu'un qui doit se cacher ». Les Sans-Papiers ne se sont plus cachés, ils sont allés à la rencontre de l'opinion publique, au vu et au su de tous.

Ils ont nourri de vifs espoirs avec l'arrivée de la gauche au pouvoir en France - de même que les organisations de réfugiés en Allemagne avec le récent changement de gouvernement à Bonn. Par circulaire, le nouveau Ministre de l'Intérieur de la « gauche plurielle », M. Chevènement, a fait savoir à tous les étrangers démunis d'autorisation de séjour de se présenter pour faire une demande de régularisation. 140 000 ont répondu à cet appel et ont surgi de l'illégalité. Le délai de mise en oeuvre de la circulaire a été plusieurs fois prolongé et seule une partie des demandeurs a reçu une autorisation de séjour de courte durée. Il est prévisible que des dizaines de milliers de sans-papiers ne seront pas retenus au terme de la procédure. Mais alors qu'ils retombent dans l'illégalité, la police dispose désormais de toutes les indications avec nom, adresse et lieu de travail. « Le gouvernement de gauche agit essentiellement de manière plus rusée que celui de droite. Notre combat à présent doit repartir de zéro », a déclaré Madjigène Cissé en commentant l'état des choses d'un air désapointé.

De nombreux membres du nouveau gouvernement français ont soutenu par le passé les Sans-Papiers. C'était à l'époque du gouvernement conservateur. Entre temps, comme on dit, les choses ont pris une autre tournure. « Les mêmes qui avant avaient soutenu notre plate-forme, la trouvent à présent trop radicale », a déclaré notre récipiendaire récemment dans une interview. Et, lors d'une visite à Tübingen, début septembre, elle nous a fait savoir en guise de prophétie : « Si Schröder arrive au pouvoir chez vous d'ici trois semaines, alors vous comprendrez ce que je veux dire ». Je crois que rares sont ceux dans la salle qui ne le comprennent pas.

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