Commission nationale consultative des droits de l'homme
[qui est concerné ?]

  • 14 novembre 1996 : avis sur le projet de loi Debré

    (avis paru dans le supplément au n°49 du mensuel de la Ligue de l'enseignement Les idées en mouvement)

    Avis de la CNCDH sur le projet de loi portant diverses dispositions sur l'immigartion (adopté le 14 novembre 1996)

    La Commission nationale consultative des droits de l'homme :

    1. - Considérant que les droits de l'homme, universels et indivisibles, sont applicables à tout être humain, quelle que soit sa situation, dans le respect de la dignité humaine.

    2. - Rappelant ses avis des 1er juillet 1988, 6 juin 1991, 16 janvier 1992, 30 mars 1992, 4 juin 1993, 16 septembre 1993, 11 janvier 1995, 13 juillet 1995, 19 décembre 1995, 23 mai 1996 et 12 septembre 1996 portant sur le droit d'asile ou sur le statut des étrangers.

    3. - Rappelant les engagements internationaux de la France, et notamment les conventions de l'OIT (en particulier n°97), la convention de Genève de 1951 et la convention européenne des droits de l'homme.

    4. - Rappelant la tradition de la France d'accueil et de protection des personnes persécutées, ainsi que la contribution des étrangers à la société française.

    5. - Rappelant en particulier son avis défavorable au projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'accueil et de séjour des immigrés en France du 4 juin 1993 parce qu'il constituait un recul grave en matière de protection des droits de l'homme et qu'il était préjudiciable à l'harmonie sociale de notre pays.

    6. - Constatant que ce dispositif législatif, outre les critiques qui peuvent lui être faites sur les principes fondamentaux, a engendré des contradictions et des impasses, prévisibles, tant sur le plan juridique, que sur le plan humain.

    7. - Constatant que persistent des amalgames entre les demandeurs d'asile et les immigrés clandestins, entre étrangers en situation régulière et étranger qui ne le sont pas, entraînant des suspicions à l'égard des étrangers et alimentant des préjugés racistes et xénophobes à leur encontre.

    8. - Sensible à la volonté affichée du gouvernement de mener la nécessaire lutte contre l'immigration clandestine et le travail clandestin dans le respect des libertés fondamentales.

    9. - Constatant que le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l immigration, durcit la condition des étrangers en France, et risque de fabriquer à leur encontre un droit pénal d'exception, ce qui est contraire aux principes generaux du droit français.
    Ayant examiné le projet de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme :

    La Commission nationale consultative des droits de l'homme souhaite que le projet de loi prévoie des dispositions pour :

    1. Clarifier par un texte de portée générale les conditions d'obtention du visa, ainsi que les motifs du refus.

    2. Modifier les conditions d'accès des associations aux zones d'attente afin qu'elles soient en mesure d'apporter une réelle assistance aux étrangers non-admis ou demandeurs d'asile qui y sont maintenus.

    3. Clarifier les conditions d'octroi de l'asile territorial pour les étrangers menacés dans leur vie ou leur liberté et qui ne veulent pas solliciter - ou ne peuvent pas obtenir du fait d'une interprétation restrictive de la Convention de Genève - le bénéfice du statut de réfugié.

    4. Régulariser les personnes faisant partie des catégories suivantes :
      • déboutés des demandes d'asile qu'il est impossible de renvoyer dans leur pays d'origine pour les raisons évoquées dans le c)
      • personnes aspirant à une vie familiale normale, droit garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et reconnu par le conseil constitutionnel.
      • personnes dépourvues de titres de séjour, qui en l'absence de trouble à l'ordre public, ont une bonne insertion dans la société française.
      • personnes dont le retour dans le pays d'origine interromprait le traitement medical d'une maladie physique ou mentale mettant sérieusement en cause l'état de l'intéressé.
      • étudiants en cours d'études universitaires effectives et reconnues.

    5. Permettre aux étrangers, quelle que soit leur situation administrative, à raison de leur qualité d'être humain, de recevoir des soins médicaux et d'avoir accès aux prestations sociales permettant de subvenir aux frais de ces soins, comme semble l'indiquer l'avant-projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale.

    6. Renforcer les facultés de recours et les garanties judiciaires offertes aux étrangers.

    En conclusion, la Commission nationale consultative des droits de l'homme ne peut que faire les plus expresses réserves, face à un projet de loi (Loi du 6 Novembre 1996) qui, bien que permettant la régularisation de la situation d'un nombre limité de personnes, risque de faire peser en de nombreux points, une menace sur les libertés individuelles.

    La Commission nationale consultative des droits de l'homme demande vigoureusement que soit remis en chantier l'ensemble du dispositif législatif relatif aux étrangers qui, comme elle le craignait dans ses précédents avis, a engendré de très graves dysfonctionnements donnant naissance à des situations contraires à la dignité humaine, sans pour autant apporter un remède sérieux à l'immigration clandestine et au travail clandestin.

    Dans cette optique, la Commission nationale consultative des droits de l'homme rappelle qu'elle a ouvert une réflexion pour tenter de redéfinir dans leur totalité les rapports unissants la politique de l'immigration à l'état de droit débouchant sur des propositions conformes à la tradition de Patrie des droits de l'homme de la France .